Penses-tu qu'un jour il fera beau ?

« Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie. » ► RIMBAUD

Aujourd'hui était un jour particulier. Un jour d'éternel angoisses et d'une tristesse profonde. Je le maudissais depuis des années. Je le maudissais parce que toute ma vie avait basculé à ce moment là. J'avais tout perdu. Ma mère, ma soeur, mon foyer, mes repères. Je m'étais levé ce matin avec une boule au ventre aussi grosse qu'un boulet de canon. Je m'étais préparé dans une état léthargique, inconscient du monde extérieur. Je n'avais rien mangé, rien but et j'étais déprimé. Et ce schéma pathétique avait lieu tout les ans, à la même date et à la même heure. J'avais beau me dire la veille qu'il ne servait à rien de réagir de cette façon c'était plus fort que moi. Mon propre corps semblait se liguer contre mes bonnes résolutions. Et à chaque fois je me fustigeais d'être aussi pitoyable. Cela ne me servait à rien, cela ne la ferait pas revenir. Je le savais mais apparemment cela n'entrait pas en ligne de compte. J'étais aveuglé par les souvenirs, aveuglé par la douleur. J'évitais généralement de sortir ce jour-là, je restais cloîtré chez moi en jogging et tee-shirt sale devant la télévision. Je n'étais pas de bonne compagnie, j'étais aussi silencieux qu'une tombe. Même mon lecteur DVD était plus aimable que moi. Mes seules amis était ma bouteille de scotch et mon joint. Ils ne parlaient, ne cherchés pas à savoir ce que j'avais, ils se contentaient de stagner sur la table basse en fermant leur gueule. Mais comme je le disais, aujourd'hui était un jour particulier. Un jour d'éternel angoisses et d'une tristesse profonde parce que ma précieuse bouteille de whisky était vide et mon joint avait migré dans le fin fond de l'Alaska. Saloperie de consommation.

J'avais pris les transports en communs. Impossible pour moi de conduire avec une jambe de plomb. J'étais incapable de lever mon petit orteil, comment étais-je supposé appuyé sur une pédale ? J'avais une tête à faire peur et un caractère de chien. J'étais monté dans le bus en m'énervant contre mon handicapé de jambe qui ne semblait pas vouloir m'obéir, restant derrière mon corps comme une âme en peine. J'avais payé le chauffeur sans plus de cérémonie et je m'étais installé dans le fond du bus. Mes écouteurs vissés sur les oreilles j'occultais volontairement tous les passagers du véhicule. Une petite mémé me fit un grand sourire lorsque je croisais son regard. Je tournais la tête vers la fenêtre. Le trajet se passa sans trop de problèmes et le siège à côté du mien resta vide. Une bonne chose. Je descendis du bus lorsqu'il s'arrêta en plein centre ville. Mon corps se tourna sur la gauche et je me mis en route clopi clopant vers le seul bar potable du coin. Mon bar préféré. J'y entrais en poussant la porte de ma béquille. Il était vide lui aussi. Une forteresse de solitude. Je m'installais au comptoir, les béquilles disposaient symétriquement sur le tabouret voisin. Le barman s'approcha vivement de moi avec un grand sourire commerciale hypocrite vissé sur les lèvres.

- Un Scotch. Pure malte dis-je froidement lorsqu'il me demanda avec entrain ce que je souhaitais boire. Qu'est-ce qu'il avait ce guignol à être d'aussi bonne humeur alors que son putain de bar était aussi vide que la mort ?!

Penses-tu qu'un jour il fera beau ?

« Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie. » ► RIMBAUD

Je me trouvais pathétique. J'étais là, assis dans un bar désertique à siroter un verre de scotch. J'avais une réaction typiquement masculine : boire pour noyer mon chagrin. J'avais beau savoir que je passais pour le dépressif de première zone s'était plus fort que moi. Ma bouteille était là seule femme que j'étais capable de voir dans ces moments là. Comme une sorte de refuge qui me permettait de me vider la tête et d'oublier l'espace d'une soirée toutes les saloperies que j'étais obligé d'accepter depuis des années. Une sorte de bouton marche/arrêt comme sur les jeux vidéos afin de se dire " Merde, trop c'est trop ! J'arrête et je vais pisser ! " Le plus triste était surement le fait que cette petite merveille vous permet seulement de faire abstraction de votre entourage pendant une durée déterminée. Ce truc n'était pas immortel, rien de palpable, c'était une sorte de fantôme malfaisant qui vous manipulez afin que la seule envie que vous ayez est de vous bourrez la gueule jusqu'à ce que votre propre bave s'échappe de votre bouche sans l'autorisation de votre conscience. Bordel de merde. L'image d'un joint se matérialisa soudain devant mes prunelles amorphes et un soupir de douleur s'échappa de ma gorge.

- FAIT CHIER FAIT CHIER FAIT CHIER hurlais-je pour même. Je sentis un regard sur ma nuque et je n'eus aucun mal à deviner le propriétaire de ces globes oculaires. Le barman me fixait avec des yeux de merlan frits, un verre et un chiffon dans la main. Le froncement de ces sourcils et son air d’intense réflexion me permit de deviner qu'il se demandait si oui ou non il devait appeler les flics et les pompes funèbres.

- Qu'est-ce que t'a Cendrillon ? Tu veux nettoyer le carreau de mes lunettes ? répliquais-je mauvais en le fusillant du regard. Barmy recula d'un pas, secoua la tête et fixa de nouveau son verre qu'il s'échignais à sécher comme un fou furieux.

De mon côté je me mis à faire tournoyer mon verre dans ma main, me perdant de nouveau dans mes pensées. Depuis quand étais-je assis ici à fixer la bouteille de Get 27 devant mon nez ? 2h00 ? Peut-être 3h00 ? Finalement un raclement de chaise me renvoya violemment sur cette bonne vieille terre. L'attérissage se passa sur le cul. Je tournais la tête vers le nouveau venu qui me demandait gentiment si j'avais une clope à lui donner.

- C'est marqué PMU sur mon front ? Ironisais-je. Avec un léger sourire moqueur je sortis mon paquet et lui tendis son bien. C'est bien parce que tu fais partie de l'université. Duncan c'est ça ? Je crois t'avoir croisé une ou deux fois dans les couloirs.

Penses-tu qu'un jour il fera beau ?

« Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie. » ► RIMBAUD

J'avais cru que le mec assis près de moi allait fuir à toutes jambes face au caractère de chiotte que je traînais aujourd'hui. Mais non. Il était là, assis sur ce putain de tabouret, un sourire amusé plaqué sur les lèvres. Je levais un sourcil interrogateur. Ce gars est suicidaire ou je ne m'y connais pas déclarais-je mentalement à ma conscience qui acquiesça vigoureusement de la tête en plissant les yeux. Je haussais les épaules après l'avoir longuement dévisagé. Barf, des fous furieux ont en croisent tous les jours. J'en étais un après tout. J'étais bien placé pour en parler. Je fis rouler lentement mon verre à moitié plein entre mes doigts me demandant ce que j'allais bien pouvoir faire aujourd'hui. Je n'avais pas envie de peindre, pas envie de d'écrire, pas envie de composer, pas envie de rire, de parler, de danser, de pisser, de péter. En d'autre terme j'étais une véritable loque. Dépressif était le mot exacte pour me définir. Dépressif parce que j'avais perdu ma famille et que la seule chose susceptible de me remonter un peu le moral avait disparut de la surface du globe. J'avais besoin de fumer, et la cigarette n'avait rien à voir là-dedans. Je jetais un coup d'oeil au Barman qui essuyé toujours le même verre depuis mon engueulade. J'inclinais la tête lentement. Est-ce que ce gars avait de la marchandise dans ces poches ? Après tout il avait une sale gueule et j'étais persuadé que la boisson n'était qu'un détail comparés à ces autres activités. Je fixais ces mains. Elles ne tremblaient pas. Ces yeux m'étaient cachés mais lorsque j'en avait eut l'occasion j'avais remarqué que ces globes oculaires étaient parfaitement normaux. Avec un soupir tragique je lâchais l'affaire. De toute façon j'avais pour principe de ne jamais faire affaire avec des gens en dehors du cercle. La prudence est mère de sûreté comme on dit. Faute de drogue j'allais faire brûler le paquet de cigarette à la place. J'avais besoin d'avoir les mains occupés. J'en allumais une, fermant les yeux en inspirant la fumée. Sainte Marie mère de Dieu. Soulagement de 10 secondes. Je tournais la tête vers Duncan.

- Oh, tu es peut-être populaire. J'en sais rien. En ce qui me concerne, j'ai mis un point d’honneurs à apprendre tous les noms des étudiants de l'université. J'ai une mémoire photographique dis-je en lui souriant légèrement. J'avais pris pour habitude d'observer la réaction des gens lorsque je leur racontais ça. Le plus drôle était surement en boîte lorsque j'avais annoncé l'engin à une blonde siliconé de tous les côtés. Elle s'était figé, avait bu son verre cul sec et avait prétexté devoir se refaire une beauté dans les toilettes des dames. Je ne l'avais plus revu de la soirée. Ce souvenir en générale me faisait rire mais aujourd'hui j'en étais incapable. Tu as une mémoire photographique toi aussi ? demandais-je lorsqu'il prononça mon prénom.

Il prit mon paquet de cigarette, sa beauté et reposa mon bien près de mon coude. Le barman tourna la tête vers nous et fit très attention à ne pas croiser mon regard lorsqu'il lui servit son nouveau verre. Je levais un sourcil, pris d'une certaine envie de crier BOUH à l'oreille de Barmy. Couille molle pensais-je en secouant la tête. Je tournais soudainement la tête vers lui lorsqu'il me parla de Sasha. Mon dieu, cela faisait des années que je n'avais pas eut de nouvelles de Cha.

- Ouais, mon ex. Si on veut déclarais-je en mettant ma bouche de coin. Est-ce qu'elle était vraiment mon ex ? Quand on songe que l'ont était resté 1 an ensemble et qu'au finale je m'étais rendu compte que notre relation n'était rien d'autre qu'une chimère, peut-on vraiment parler d'un quelconque couple ? Pas à mon sens. Parfois. Lorsque j'ai quelque chose à oublier. Et entre nous, j'ai beau essayer, je n'y parviens jamais. Et j'ai beau vider une bouteille entière, la situation change rarement. Et toi ? Tu es juste là pour vider ton compte en banque ? Pour te défoncer la cervelle ? Ou pour oublier que ta vie n'est qu'une grosse bouse vénéneuse ?

Je bus mon verre cul sec, fumant ma cigarette peinard. Le Barman se ramena et mon verre fut de nouveau plein. Je jetais un coin d'oeil à Duncan et fit claquer mon shuter contre le sien.

- Merci pour ça. Santé ! dis-je en soupirant et en avalant mon verre d'une traite.