L'invitation au bal de rentrée gisait sur la table de la cuisine. Je la fixais, comme si elle m'apporterait une quelconque réponse. Je n'étais pas retournée en cours depuis l'incendie, je n'avais pas assisté à la rentrée il y a quelques semaines. Je n'en avais pas eu le courage, et en plus il m'avait fallut quelques mois pour me reconstruire un porte-monnaie, je ne pouvais pas me permettre d'aller en cours si je n'étais pas sûr de pouvoir payer le loyer. D'après la charmante psychologue de l'hôpital, je suis devenu folle après l'incendie. Peut-être bien, je ne suis pas différente d'avant, Genesis est d'accord avec moi sur ce fait là, mais la psychologue ne pouvait pas me cadrer, alors selon elle je souffre de déstabilisation dû à un trop fort traumatisme qui a éveillé un autre traumatisme plus ancien. Entre nous, je ne sais pas qui d'elle ou de moi était la plus déstabilisée quand je lui ai demandé comment elle pouvait juger quelqu'un alors que sa vie devait certainement être plus que lassante, à écouter chaque jour des personnes déballer leur problème et les soit-disant guérir avec des paroles censées alors qu'elle ne pouvez même pas une seconde imaginer sortir de son train-train quotidien pour s'ouvrir à l'inconnu, et qu'elle ne savait pas ce que c'était de vivre, parce que ça ne s'apprend pas dans des bouquins. Je crois que c'est ce jour là qu'elle a ajouté " agressive et arrogante " à mon dossier. Désespérant. En attendant, la note de l'hôpital était plus que salée, j'avais recommencé à danser, et seulement danser cette fois-ci, dans un bar miteux à la périphérie de la ville, en plus de mon job en restaurant, je ne dormais pas beaucoup pour le coup mais ça m'arrangeait bien puisque les images de l'incendie venaient chaque fois me hanter quand je m'accordais plus d'une heure de sommeil, puis ça m'avait permis de payer ma dette. Mais il fallait vraiment que je retourne à l'université, je ne pouvais pas me terrer chez moi éternellement, puis je sais que c'était ce que voulait Genesis, me voir reprendre une vie normale. Elle est fatiguée de m'entendre hurler chaque nuit à cause de mes cauchemars et je m'en veux de lui faire endurer tout ça. Puis j'étais pas réellement facile à vivre en ce moment, j'étais éreintée, à bout de nerfs, et un brin susceptible. Du coup, le diagnostique de la psy ne me parait pas si bête. Passons. Le bal semblait être une idée pas mal, pour remettre les pieds là bas. Et j'avais besoin de reprendre contact avec le monde extérieur, cette impression de vivre en autarcie commençait vraiment à me bouffer. Je me levais, attrapais mon paquet de cigarette et sortis sur le balcon de notre modeste appartement. Je m'asseyais en tailleurs, et commençai à fumer. Il ne faisait pas très chaud, mais ça me permettait de ne pas m'endormir debout. Cette soirée n'était peut-être pas une bonne idée, j'avais entendu dire que des " secrets " seraient dévoilés, je ne pense pas que ça me touche, mais je n'avais pas envie d'assister à la troisième guerre mondiale à cause de ces fameux secrets dévoilés. M'enfin, au moins ça me changera les idées. Je me relevais pour aller jusque dans ma chambre, puisque j'avais accepté de me rendre à ce stupide bal - qui paraissait encore plus stupide après les récents évènements, qu'est ce que les gens avaient à faire des secrets de chacun alors que la plus part d'entre nous a perdu énormément durant l'incendie d'il y a quelques mois ? - je devais m'habiller. Hors de question que je ressemble à une meringue dans une belle robe rouge. Je tenais en horreur ces filles qui voulaient se montrer à tout prix lors des bals, comme s'il s'agissait d'une foire à tout où l'occasion était rêvée pour se faire acheter par le premier mec en manque du coin. J'optais pour une robe sobre, un bustier noir, resserré sur les hanches par un ruban beige, retombant en un jupon de dentelles noires et fines jusqu'à mie cuisse doublé d'un tissu beige pour dissimuler mon corps. J'enfilais cette tenue après avoir pris ma douche. Prostrée devant le miroir, je regardais ma jambe gauche. Cette horrible trace sur mon mollet, montant sur le côté pour se dissiper au niveau de mon genoux. Elle me faisait mal, mais pas autant que les souvenirs laissé par cette soirée, pendant l'incendie. Je décidais de la dissimuler avec une paire de collant noir opaque, j'enfilais mes escarpins à talons noirs, et ajoutais une épaisse bague noire en forme de croix à ma main gauche. Je me sentais mal, moi qui faisait tout pour ne jamais être remarquée, je venais en cours avec un slim et un tee-shirt ample, prenant soin de ne jamais avoir des habits qui me feraient remarquer par quelque manière que ce soit. Mais si je m'étais ramenée en jean à cette soirée, j'aurais été plus que remarquée. Mes cheveux couleur caramel cascadaient sur mes épaules, tranchant avec la couleur pâle de ma peau. Je respirais bon coup, appelai Genesis pour lui dire qu'elle pouvait rentrer à l'heure qu'elle voulait puisque je n'étais pas là ce soir, et je m'éclipsai de l'appartement.
Après dix minutes dans un taxi dont le chauffeur ressemblait plus à un fut de bière ambulant qu'à un être humain, j'avais rejoint l'établissement. Quelque chose me serra les tripes, mais je m'obligeais à marcher jusqu'à une salle de laquelle s'échappaient quelques lumières. J'étais arrivée devant le bâtiment, la porte était ouverte, il n'y avait pas grand monde, mais je me figeais à quelque pas de l'entrée. J'étais incapable de rentrer dans la pièce, mes membres se mirent à trembler, mon pouls s'accéléra, et mes tripes se tordaient, formant une boule douloureuse au niveau de mon estomac. Le souffle court, je restais prostrée devant la porte. Il me fallut plusieurs instant pour reprendre pieds, et me décaler pour m'adosser contre un mur, allumant une cigarette. La nicotine n'était pas d'une grande aide et j'aurais préféré avoir quelque chose d'un peu plus fort sous la main, mais je me contenterais de ça, puis il doit bien y avoir un peu d'alcool à l'intérieur. Encore faut il que j'arrive à mettre les pieds dans la salle. Je me calmais un peu, restant dehors. Je n'arrivais pas à me décider à rentrer. Qui pourrait soupçonner que la fille qui fume adossé au mur et en fait en train de mourir d'angoisse ? Personne. Je voulais paraître le plus normale possible, surtout ne pas passer pour une faible, je ne le suis pas et ne l'est jamais été. J'espère seulement au plus profond de moi que quelqu'un me proposera de rentrer avec lui. Ca sera plus simple, et ça m'empêchera de prendre la fuite. En attendant, on est pas si mal ici, et puis de toute façon il n'y a pas grand monde d'arrivé.

Les minutes passaient, il fallait que je rentre si non j'allais finir par attraper une pneumonie, c'est pas comme s'il faisait chaud. Mais c'est comme si mon cerveau m'interdisait d'esquisser le moindre pas vers la porte. Rien que l'idée de me retrouver coincée à l'intérieur m'angoissait au point que mon corps entier se mit à trembler. Et c'est repartie. J'essayais vainement de respirer de façon plus calme, mais la peur coulait en moi comme le sang dans mes veines. « Putain de merde. » soufflais-je, croisant les bras contre ma poitrine, crispant chacun de mes muscles. Il fallait que j'arrêtes d'avoir peur, fallait que j'arrêtes d'être faible, et lamentable. Je vais bien, je suis saine et sauve, alors c'est quoi mon problème ? Bon sang. Je décroisais mes bras, m'apercevant que seules mes mains continuaient de trembler, c'était déjà un bon début. Avant que j'ai pu finir ma clope, quelqu'un s'approcha de moi. Je ne le reconnu pas, de toute façon je n'étais pas venue à l'université depuis des lustres, je suis pas sûr que quelqu'un me reconnaissent. Il s'avança jusqu'à arriver tout prêt de moi, en premier lieu j'avais envie de le rembarrer, de lui dire de partir, mais je me suis rappelée que quelques minutes au paravent, tout ce que je voulais, c'était quelqu'un. « Alors tu n'entres pas ? » Avant que je n'ai eu le temps de penser à trouver une réponse potable, il me tendit une flasque que j'analysais à peine avant de la lui prendre et de la porter à ma bouche. Du Whisky, sans aucun doute. J'en pris une gorgée, et lui rendis sa flasque. « Merci. » lançais-je simplement. Comment on fait déjà, pour être aimable ? Je vais essayer de pas me faire détester, on avisera après. Je levais les yeux sur l'inconnu planté devant moi, qui attendait certainement une réponse à sa question. « Je.. bhein.. » trouver un mensonge potable. trouver un mensonge potable. « Les soirées de ce genre c'est pas mon truc, alors.. j'ai enfin j'avais besoin de fumer tu vois ? » pitoyable, mais pas tout à fait faux. Paraître normal. Je me mordillais la lèvre inférieur, légèrement intimidé. C'était bizarre, normalement personne ne viens vers moi, à vrai dire je fais tout pour être invisible. Peut-être que je devrais lui demander comment il s'appelle ? Je sais pas, au pire, je le laisse parler, et je réponds à ses questions. Ca sera plus simple. Bon sang, mais pourquoi j'ai l'impression que ma tête va exploser d'un instant à l'autre ? C'est qu'un bal, pas le couloir de la mort.