D'humeur enfantine, Nate regardait rêveur à travers la fenêtre de la salle de cours théorique de cinéma auquel il assistait alors qu'une chanson joyeuse trottait dans son esprit en lui faisant malgré lui battre le rythme de son pied gauche, sous la table de cours à laquelle il était installé. « Stevenson? Le cadrage et la focalisation ont l'air de beaucoup vous intéresser. Je peux voir vos notes? » Eh merde. Pourquoi à tout élan de bonheur futile fallait-il qu'on vous brime en vous demandant si vous aviez bien remplis vos obligations? Heureusement pour Nate, le professeur en question avait une fâcheuse tendance à se répéter environ une quarantaine de fois en trente minutes et dix secondes, se contentant de reformuler sa pensée. C'est pourquoi le jeune homme avait finalement écrit ce qu'il avait dit au préalable, et de ce fait le professeur de "théorie cinématographique et technique" lui rendit sa feuille en haussant les épaules, se disant que, finalement, s'il arrivait à rêvasser et écouter en même temps, ça ne dérangeait personne. On pouvait penser que ces méthodes de vérification de notes étaient un peu... rébarbatives. Et tout à fait inutile de par le fait que les élèves qui étaient là avaient tous le même but, à savoir être acteurs, et s'ils n'écoutaient pas alors c'était leur problème. Pourtant justement, si M. Shellson avait demandé à Nate d'être attentif, c'est parce qu'il l'appréciait et qu'il ne voulait pas qu'il gâche son potentiel pour une pensée rêveuse. Et puis le jeune comédien ne s'était seulement pas aperçu qu'il rêvassait. Il était trop fatigué, certainement, et parfois il lui arrivait d'avoir l'impression de se réveiller au milieu d'un cours, malgré le fait qu'il n'ait cessé d'écouter ce qu'on lui disait. Il avait l'impression de s'enfermer dans sa bulle, ne réalisait pas qu'il n'entendait plus rien autour de lui, et était généralement ramené brusquement à la réalité par une chaise que l'on tirait ou par une remarque de ses professeurs ou un changement de ton dans leur cours. Enfin bref, le fait est que malgré sa passion pour le cinéma, le jeune homme avait hâte que ce cours se termine, parce qu'il savait qu'il allait pouvoir se reposer et surtout... voir Kayla. La jeune femme avait un shooting avec une jeune femme avec qui elle devait participer aux projets en coopération, et elle finissait donc une heure après lui... ce qui lui laisserait le temps d'aller acheter un petit truc à grignoter à la boulangerie ou au starbuck et de le lui apporter de sorte qu'ils le dégustent ensemble. Quand la sonnerie retentit, Nate eut à nouveau l'impression de n'avoir rien écouté au cours, et s'en blâma lui-même en soupirant, rangeant péniblement sa feuille blanche dans son sac.

Une fois à l'extérieur de l'université, il déclina l'offre d'un de ses amis qui lui proposait d'aller boire un coup ensemble, et se dirigea vers le starbuck-viennoiseries où il acheta deux pains au chocolat et deux capuccino qu'on lui servit dans un petit sac à l'effigie du magasin. Il sortit ensuite et s'arrêta sur un petit banc en attendant que le temps passe pour qu'il puisse aller voir Kayla. Au bout d'un quart d'heure, n'y tenant plus, il se dit qu'après tout ce n'était pas très grave s'il arrivait en avance, d'autant qu'il aimait beaucoup la voir faire son futur métier, la voir poser; non seulement elle était généralement magnifique, mais en plus on voyait qu'elle aimait ce qu'elle faisait, et la voir heureuse rendait Nate plus serein.
Une fois devant la salle où se déroulait son photoshoot, le jeune homme fit un signe de la main à l'amie de la brunette, et vit d'ailleurs Kayla ôter la capuche qui couvrait son visage pour se diriger vers lui. Il tenait un cup de capuccino dans chaque main, et avait mis les viennoiseries dans son sac pour faciliter le transport de son "gouté". Depuis quelques temps, il avait le sentiment que Kayla était distante avec lui, qu'elle l'évitait, pas nécessairement physiquement, puisqu'ils se voyaient souvent et qu'elle ne changeait pas de trottoir quand elle le croisait, mais plutôt moralement. Elle avait toujours l'air absente, préoccupée. Nate avait toujours voulu qu'en plus d'être son petit ami il soit son meilleur ami. Certains pensaient que ce type de relation était voué à l'échec, pourtant lui était certain qu'une certaine complicité était nécessaire pour qu'un couple s'épanouisse pleinement, et de ce fait il lui avait toujours fait savoir qu'il pouvait tout entendre, qu'il se portait volontaire pour être son confident et même plus, qu'il exigeait d'être capable de la consoler. Si lui n'en était plus capable, alors personne n'avait le droit de l'être. On pouvait lui reprocher d'être possessif, sans aucun doute, mais il faut surtout y voir la volonté de rendre sa petite amie heureuse, et de s'inquiéter de ne pas y parvenir. Elle n'avait pas l'air si malheureuse mais juste... absente. Quelque chose, quelqu'un, ou plusieurs problèmes hantaient sans cesse ses pensées et le nombre de ses sourires semblait avoir sensiblement diminué, ce qui inquiétait le jeune homme. Il n'espérait pas régler tous les problèmes de la jeune femme avec un pain au chocolat, seulement ce dernier était plutôt prétexte à passer du temps avec elle, après les cours; bien que le temps s'était considérablement rafraichi, ils pourraient le déguster et par la même discuter sur un banc ou en marchant...
Quand elle fut à sa hauteur, Kayla déposa un baiser sur les lèvres de Nate. « Coucou toi. Ce n'est pas que je ne suis pas contente de te voir, au contraire mais .. je peux savoir pourquoi tu es là ? » Un sourire aux lèvres, le jeune homme leva légèrement ses mains pour montrer le capuccino. « Goûter express! Quand mademoiselle aura fini son shooting bien sûr. » annonça-t-il en désignant de la tête un siège pour annoncer qu'il l'y attendrait si elle n'avait pas fini. « T'en as encore pour longtemps? ça te va très bien les yeux dorés et la cape d'elfe au passage! » Il avait dit ça d'un ton un peu moqueur, pour la taquiner, mais il était vrai que ça lui allait bien, même si effectivement cela pouvait paraître original. De toute façon tout lui allait, elle faisait certainement des jalouses...

Aller rendre une visite à Kayla semblait pour Nate la meilleure des options possibles en ce moment de temps libre. Il ne savait pas vraiment dire ce qui clochait en ce moment, mais il y avait bien un problème, et il était certain que Kayla l'avait remarqué elle aussi, puisqu'en fait il avait même l'impression que la brunette était de plus en plus distante, comme si elle s'efforçait de rester "normale" en sa compagnie alors que dans son esprit des dizaines de pensées jouaient avec ses nerfs. Elle avait visiblement un problème dont elle ne voulait pas parler, et Stevenson ne savait pas comment réagir. Il détestait ce genre de petit ami oppressant qui n'arrêtait pas de s'introduire dans la vie de sa petite amie et refusait de l'être. Dès lors, il se retenait de poser ses questions à miss Williams, préférant lui laisser son jardin secret. Si elle avait besoin de parler, il serait là pour l'écouter, mais il n'avait aucune envie de l'y forcer. Cependant, par moment, lorsqu'il voyait son regard enfantin se perdre dans le vide, se détourner de toute attention et se focaliser sur un univers transcendant, il se disait que peut-être il ferait mieux d'amener le sujet, de lui faire savoir qu'il était là, prêt à l'écouter si elle en avait besoin. Mais c'était bien connu, Nate n'était vraiment pas doué avec les sentiments, et moins encore avec leur formulation. De ce fait, il n'osait pas vraiment, ne savait pas vraiment comment le lui dire et détestait ces scènes tragiques où tout le monde était mal à l'aise et où on avouait ouvertement qu'il y avait un problème sans pour autant lui trouver une solution.

Alors il se contentait d'être là physiquement. Il se disait qu'elle comprendrait par elle-même, après tout ce temps passé ensemble, qu'il serait toujours là pour la soutenir et qu'il était prêt à entendre ce qui la tracassait et à l'aider dans l'épreuve qui s'imposait à elle, quelle qu'elle soit. Il l'aimait, il n'aurait pu le nier, et malgré tous les troubles qu'ils avaient traversés et tous ceux qui les attendaient, jamais il n'avait douté de ses sentiments à son égard, et il voulait donc que la brunette soit heureuse. Malheureusement pour l'instant tout ce qu'il avait trouvé, c'était lui apporter un cappuccino. Il savait qu'elle adorait ça, et après une journée à l'université un café était toujours le bienvenu. C'est pourquoi il se dit qu'après tout cela pouvait être une attention qui ferait plaisir à la brunette, même si cela ne comblerait pas toutes ses peines. Lorsqu'il arriva dans l'annexe où travaillait sa petite amie, il l'y découvrit déguisée en elfe, déguisement qui lui allait à ravir. Il le lui fit d'ailleurs savoir en présentant l'objet de sa venue. Il espérait sincèrement qu'elle ait bientôt fini, de sorte qu'elle puisse lui accorder le plaisir de sa présence à ses côtés, et il s'entendit alors répondre qu'il devrait attendre au moins un quart d'heure. Pour plaisanter, en tirant la langue, la jeune mannequin lui demanda s'il se sentait capable de tenir tout ce temps. Nate feinta une douleur atroce en grimaçant. « Un quart d'heure, t'es sérieuse? Je sais pas si ça vaut le coup que je t'attende... » Puis la brunette l'embrassa, et Stevenson fit alors mine de réfléchir, levant les yeux au plafond, semblant reconsidérer ce qu'il venait de dire. « Bon ok, d'accord, ça vaut le coup. » Il la regarda alors s'éloigner, retournant à son activité préalable. Elle lui envoya avant tout un clin d’œil amusé qui fit naître sur le visage de Nate un sourire qui adoucissait son air mystérieux.

Le quart d'heure s’entama alors. Nate prit place sur une espèce de caisse disposée sur le côté de la salle dans laquelle il se trouvait. Posant les cappuccinos à ses pieds, il en profita pour commencer à lire un script qu'il devait apprendre d'ici quelques semaines. Le concept était assez agréable, il avait quelques bonnes répliques. C'est donc d'un air satisfait qu'il rangea finalement les feuilles dans son sac, alors que miss Williams revenait vers lui. Apparemment, aux dires de la montre de Nate, vingt minutes s'étaient écoulées depuis qu'elle était repartie. Il se leva alors, les deux gobelets à la main, l'accueillant près de lui avec un sourire. « On y va ? Tu veux qu'on aille où ? » Il haussa les épaules. Le lieu lui importait peu à vrai dire. Au par, vers le port, ou bien chez lui ou chez elle... Cela lui faisait d'ailleurs penser qu'ils n'habitaient pas ensemble. Ils n'en avaient pas vraiment reparlé depuis le jour où elle avait gentiment décliné sa proposition. Elle n'était pas prête, alors Nate ne voulait pas ré-itérer sa demande. S'il l'avait bien pris la première fois, fier comme il était, il finirait par se sentir blessé s'il se voyait refuser une telle proposition après tout ce temps, une deuxième fois. « C'est comme tu le sens! J'avais pensé qu'on pourrait aller marcher vers le port, mais toute suggestion est la bienvenue! »

Depuis quelques temps, Kayla était distante. Dans un premier temps, cela avait inquiété Stevenson. Qu'elle lui cache quelque chose ne présageait rien de bon, d'autant plus qu'il ne savait pas du tout de quoi il s'agissait. Si ça se trouve elle avait rencontré quelqu'un d'autre, ou peut-être était-elle mal à l'aise à cause de ses parents qui s'appliquaient encore une fois à rendre sa vie plus dure qu'elle n'aurait dû l'être sans leur présence. Le jeune homme avait entrepris de laisser sa petite amie gérer la situation, de ne pas être pesant avec ses questions, de lui faire savoir qu'il était là pour elle sans pour autant lui demander ce qui n'allait pas, de sorte qu'elle ne se confie à lui que si elle en avait envie. Seulement rien. Le temps passait, et elle était toujours fermée, distante, pire même, la situation semblait se dégrader. Il ne la reconnaissait plus, elle avait érigé entre eux un mur de verre qu'il ne se sentait pas la force de briser si elle ne le souhaitait pas. Il avait comme l'impression de la perdre, le sentiment qu'elle s'en allait et qu'il la regardait faire, qu'il la regardait marcher dans une direction inconnue, qu'il la voyait de dos, s'éloigner de lui, sans qu'elle ne daigne jeter un dernier regard en sa direction.

C'en était trop. Nate ne supportait plus de la voir s'enfermer de la sorte sans savoir ce qu'il se passait. Alors tant pis s'il l’agaçait avec ses questions: il n'en pouvait plus, et cette tristesse qu'il avait ressentie s'était presque transformée en colère, en incompréhension. Pourquoi? Quoi qu'il lui arrive, pourquoi diable ne lui en parlait-elle pas? Il lui avait toujours fait savoir qu'il serait là quoi qu'il arrive, mais elle semblait l'avoir oublié, ou bien faire en sorte de ne pas s'en rappeler, et Nate ne supportait plus ce silence qu'elle s'efforçait de garder. À chaque fois qu'ils étaient ensemble il était comme mal à l'aise, parce que justement elle l'était. Il lui semblait qu'elle ne ressentait plus rien, et de ce fait il avait peur de ne voir s'éteindre ses sentiments, parce qu'elle n'était plus celle qu'il aimait. Il regrettait le temps de leurs amours passionnées et passionnelles, certes ponctuées d'embuches, mais qu'ils surmontaient ensemble avec brio. Aujourd'hui Nate ne voyait même pas quel obstacle s'opposait à eux: la situation avec Hope s'était tassée, Logan se faisait discret, la mère de Nate n'avait critiqué Kayla que 4 fois en 30 minutes de conversation téléphonique -un record- alors où était le problème? Ne pas le savoir rendait Nate complètement fou, et il lui semblait que le problème était justement qu'ils n'en aient pas; c'était bien le pire de tous. Elle s'ennuyait? Elle avait peut-être besoin de drames -on en a tous besoin- pour se plaire dans leur couple. Sans aller jusqu'à cette tragique hypothèse, le fait est qu'elle avait un problème qu'elle taisait, alors il lui en parlerait, quoi qu'elle en dise.

Après qu'il soit allé la chercher là où elle travaillait, le jeune homme lui proposa une balade au port, précisant qu'il était ouvert à toute autre proposition, si elle avait une idée. Après tout il n'avait pas d'affection toute particulière pour ce lieu, alors si elle désirait aller autre part, ils iraient. Effectivement elle avait une autre proposition, à savoir le parc de l’université. Ce n'était peut-être pas l'endroit idéal pour parler calmement mais tant pis, Nate ferait avec. Il haussa donc une épaule et ensemble ils se dirigèrent vers la sortie du bâtiment. En buvant son café, Kayla évita le regard de son petit ami, qui baissa donc silencieusement le sien. Dans les couloirs, il ne lui prit pas la main comme il aurait voulu le faire. Tous ces signes qu'elle envoyait malgré elle depuis plusieurs semaines, qui signifiaient qu'elle avait un gros problème désolaient Nate chaque fois un peu plus. Il but une gorgée de son café à lui, toussotant.

Une fois dans le parc, ils continuèrent de se balader, sans un mot. Un silence qui devint pesant, alors que d'habitude ils pouvaient rester silencieux sans que ça ne gêne personne. Mais voilà, le jeune comédien était irritable, parce qu'irrité par cette situation. « Ta journée s'est bien passée? » Drôle d'entrée en matière mais à vrai dire, fidèle à lui-même, Nate préférait éviter un conflit qui l'obligerait à formuler le fond de sa pensée, à extérioriser ses sentiments. Enfin peu importe. Il prit sur lui, inspira un grand coup. « Ecoute, je sais que c'est peut-être pas vraiment le moment de parler de ça, mais ça fait trop longtemps que tu t'éloignes pour que je cherche le moment idéal... Qu'est ce qu'il se passe? C'est quoi le problème? ton problème? notre problème? Je sais pas, éclaire-moi s'il te plait, je comprends pas ce qu'il se passe, t'es toujours distante, on dirait que tu te renfermes sur toi même, tu m'évites, tu évites les conversations un tantinet sérieuse, tu fuis mon regard... qu'est ce qu'il se passe Kayla? »

franc désolé du retard

Nate et Kayla marchaient tranquillement dans le parc alors que cette question brûlait les lèvres du jeune homme. Qu'est ce qu'il se passait? Il avait l'impression de ne plus connaître, ou ne plus reconnaître, sa petite amie. Il savait qu'il n'allait plus tenir longtemps, quelque part les quelques minutes qu'ils passaient ensemble étaient comme une dernière chance; il se donnait quelques ultimes secondes pour se persuadait qu'il avait eu une sorte d'hallucination, qu'il s'était fait des idées. Mais non. Elle semblait toujours aussi distante. C'est pourquoi il finit par lui expliquer ce qu'il se passait, avec tout le mal que cela lui causait. Il tenta de lui expliquer combien il était perdu et dérouté de son comportement. Rien ne semblait plus évident, il ne savait plus où ils en étaient, tous les deux. Le regard noisette de Kayla sembla surpris au possible alors que la brunette le rassurait, affirmant qu'elle l'aimait plus que sa propre vie. Neutre, Nate déglutit difficilement en s'efforçant de garder son regard figé. Kayla se blottit alors contre lui et il ne bougea pas, attendant toujours des explications qui tardaient à venir. Quelque part, le fait qu'elle commence en lui disant qu'elle l'aimait ne le rassurait pas du tout. En général, ces phrases étaient toujours suivies d'un "mais" plus que conséquent qui remettaient en question toute votre vie. Il ne la prit donc pas dans ses bras, la laissant faire, ne la repoussant pas non plus, restant figé.
Peu de temps plus tard, elle lâcha qu'elle rentrait à Miami. Et c'est tout. Nate fronça les sourcils, encore plein d'interrogations. Il semblait lui en vouloir de sa réponse, qui l'obligeait à poser des questions dont il ne voulait pas entendre les réponses. « À Miami. Ok. Tu rentres. Tu? Seule, c'est ça? Pourquoi? Pour combien de temps? C'est quoi le concept? C'est une rupture? C'est un adieu? » En prononçant le mot rupture, Nate sentit sa gorge se serrer, mais il tenta de ne rien laisser paraître, restant relativement de glace malgré le fait que se sourcils traduisaient son angoisse.